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UX : Le Syndrome de la porte de Parking appliqué à Surface et au Windows Store

[new:31/12/2012]Vous le savez, Dot.Blog ne véhicule pas que des billets purement techniques, j’aime de temps en temps vous livrer le fruit de mes réflexions. Aujourd’hui je vais vous parler du Syndrome de la Porte de Parking appliqué au développement de logiciels pour Windows Store…

Qu’est-ce que le “Syndrome de la porte de parking” ?

Qu’est-ce que c’est cette histoire de porte de parking ? C’est fort simple et je vais par le menu vous la conter.

Une histoire banale

Pendant de nombreuses années j’ai habité en immeuble dans différents quartiers de Paris, mais en prenant soin à chaque fois de disposer d’un parking pour garer ma voiture. Tous ces parkings même au plus loin que je puisse me souvenir, tous étaient dotés d’une porte électrique.

De la plus ancienne et simple (une vraie clé à tourner dans un boitier, comme une porte de maison), à la plus sophistiquée (détection de badge sans contact, système de contrôle infrarouge de présence, etc), toutes ces portes de parking ne demandaient pas de sortir de la voiture pour les ouvrir et les refermer.

Ce fut une telle habitude que jamais je n’avais fait attention à ce “détail”.

Puis, dans les années 2000 je me suis installé à Vincennes, du côté jouxtant l’avenue de Paris à St Mandé. Un endroit agréable, près de tout et déjà hors de la foule parisienne. L’appartement que j’avais choisi répondait à mes différents critères et possédait au rez de chaussée un parking privatif. Certes ce n’était qu’une cour intérieure sans toit, mais ce n’était pas pire que de laisser la voiture dans la rue après tout, avec l’avantage justement de pouvoir se garer de façon sûre à toute heure du jour et de la nuit, ce qui, en région parisienne est un luxe qui n’a pas de prix (enfin, si, ça en a un, assez élevé en général…).

Un détail qui n’en n’est pas un

Le petit “détail” auquel je n’avais pas porté attention concernait la fameuse porte de ce parking. N’ayant jamais été confronté à la situation je n’avais pas “tilté” que cette porte n’était pas automatique, de prime abord cela ne me gênait pas.

Erreur.

Les premiers temps furent ceux de la joie, de la nouveauté, de la découverte à pied de mon nouveau quartier, puis rapidement vinrent les contraintes du quotidien et leur gestion très terre à terre. Aller chez un client, en revenir, aller chercher les enfants, faire des courses dans les supermarchés de la périphérie… Revenir avec 2 pack d’eau plus toutes les courses ne se fait pas en bus ni à vélo… Il fallait donc prendre la voiture.

Et là j’ai commencé à comprendre la nature de ce que j’allais appeler plus tard le “syndrome de la porte de parking”.

Le Syndrome de la porte de parking

Avec le temps, de plus en plus souvent et sans trop m’en rendre compte au départ, je me suis mis à prendre le vélo pour faire des courses proches, quitte à “galérer” avec des sacs en plastiques accrochés au guidon… Pour les déplacements plus lointain ou dans un Paris déjà devenu impraticable à cette époque, j’utilisais de plus en plus ma moto. Quitte à l’utiliser à des moments où je ne l’aurais jamais prise : pluie légère, puis plus battante réclamant de s’harnacher avec la combinaison étanche, petits froids inconfortables jusqu’aux froids polaires impliquant un équipement digne de “Premier de Cordée” …

Pourquoi petit à petit me suis-je ainsi soumis à des désagréments de plus en plus grands ?

A cause de cette fichue porte de parking.

Le simple fait qu’elle ne soit pas automatique m’obligeait à une séquence, une “expérience utilisateur” qui, sans en avoir l’air, devenait intolérable :

  • Monter dans la voiture, la démarrer
  • Avancer jusqu’à la porte
  • Descendre de la voiture (fermer la portière s’il pleut)
  • Aller ouvrir la grille (trouver la clé, ouvrir, enclencher les grilles dans leur système de blocage)
  • Revenir vers la voiture, ouvrir la portière, s’installer à nouveau, fermer la portière
  • Franchir le seuil du parking
  • Arrêter la voiture
  • En descendre, refermer les portières, couper le moteur, retirer la clé, verrouiller la voiture car cette fois-ci elle était côté rue (un pc portable ça se vole aussi rapidement que ça, et même la voiture toute entière)
  • Se diriger vers cette satanée porte
  • Débloquer les grilles, les fermer
  • Refermer à clé (zut, je l’ai laissée sur le siège passager… revenir plusieurs lignes plus haut !)
  • Revenir à la voiture, la rouvrir
  • Enfin, s’installer, mettre la ceinture
  • Partir, enfin !
  • … Penser qu’au retour le même cinéma sera à recommencer…

 

Et encore je vous fais la séquence “courte”. Si j’étais chargé au départ ou à l’arrivée (retour de courses par exemple), et s’il pleuvait (à Paris c’est fréquent) tout cela devenait encore plus pénible.

Le détail devient frontière

Et c’est là que naît le Syndrome de la Porte de Parking. Ce simple détail, ce simple petit automatisme d’ouverture et de fermeture de la porte qui manquait, quelque chose de dérisoire en soi, allait prendre au fil du temps une telle importance en impliquant une “expérience utilisateur” tellement mal vécue, que pour diminuer les frustrations qui naissaient de cette situation j’étais près à m’infliger d’autres frustrations comme utiliser le vélo ou la moto même sous la pluie ou dans le froid…

Pourquoi le vélo ou la moto ? La porte de parking devait être franchie aussi pourtant ! ?

Simplement parce que vous pouvez, avec quelques contorsions vous rendre directement devant la porte et l’ouvrir et la fermer tout en restant en selle (plus délicat avec la moto qui est plus lourde et plus grosse, mais faisable) !

De simple détail, l’absence d’un automatisme à la porte de parking était devenu une frontière infranchissable de nature à vous décourager de faire certaines choses, vous obligeant à couper votre vie en deux pays séparés par cette barrière : tout ce qui mérite vraiment de passer la porte de parking avec la voiture, et le reste.

Quel rapport avec Surface, le Windows Store ou l’UX ?

Cette petite histoire peut de cent façons être rattachée à l’UX (que j’ai mentionné volontairement quelques fois) et donc au marché de Surface et plus généralement à celui du Windows Store (Smartphones, tablettes et PC).

Comment tirer partie de cette leçon, quelle est la morale de cette histoire ?

Rappelez-vous : je franchissais plus aisément la porte du parking en vélo ou en moto, quitte à subir d’autres désagrément plutôt que d’avoir à ouvrir la grille en grand pour faire passer la voiture (et jouer toute la séquence infernale décrite plus haut).

Vous ne voyez toujours pas le rapprochement ?

Mais si voyons…

Votre Smartphone est toujours allumé, toujours sur vous ou à côté de vous. C’est le vélo ou la moto. Certes il a un clavier virtuel ridicule, certes son écran est tout petit pour faire la moindre chose sérieuse (même sur un Galaxy SIII ou Note 2 je peux vous l’assurer), mais malgré le vent, le froid et la pluie, vous préférerez toujours utiliser une application Smartphone qu’une application tablette ou pire PC si les contraintes sont psychologiquement vécues comme moindre que le boot de la tablette ou du PC.

En d’autres termes, cela signifie que les applications pour tablettes ne sont pas à copier dans la masse des applications pour Smartphone…

Les applications pour tablettes doivent être capable de passer le test du Syndrome de la Porte de Parking, c’est à dire qu’elles doivent apporter un service tel que les avantages sont supérieurs aux désagréments qu’entraîne le boot d’un PC ou d’une tablette…

J’entends bien quelques voix qui parleront de la mise en veille (autant sur tablette que sur PC). C’est vrai, ça existe. Mais ce n’est pas sans inconvénient non plus (ne serait-ce que l’autonomie qui diminue). Et puis cela est plus ou moins pratique à mettre en œuvre dans la pratique, selon le matériel. Mais cet avantage sur une Surface et son clavier rabattable peut créer une situation intermédiaire, c’est vrai, d’autant que Windows 8 est conçu pour se réveiller très vite.

Mais au final la porte de parking n’est jamais bien loin…

Et puis ce n’est pas tout.

Un problème de taille

Porte de parking ou pas, les tablettes (et là je ne parle plus des PC tellement cela est évident) pour justifier leur existence doivent avoir un écran assez grand pour permettre de faire ce qu’un Smartphone ne peut pas faire avec un confort visuel suffisant (comme taper un rapport sous Word par exemple).

Une tablette qui devient assez petite pour tenir dans une poche n’est plus qu’un Smartphone qui ne peut pas téléphoner, aucun intérêt. Autant qu’un Smartphone qui grossirait pour avoir écran 23 pouces ne trouverait guère d’utilisateurs..

Mais dans le même temps les tablettes doivent restée plus petite que les portables classiques… Sinon ce sont des portables !

Du coup une tablette ne se range pas dans un poche, elle ne peut prétendre être un compagnon de chaque instant comme un Smartphone. Ce qui au final renforce le Syndrome de la Porte de Parking en augmentant la nécessité d’applications vraiment utiles et attractives pour justifier d’aller chercher la tablette et la sortir de veille (alors qu’on a son Smartphone allumé dans sa poche ou sur son bureau)…

C’est ce que j’appellerai le Syndrome de la Poche de Veste.

Une Surface réduite à un couloir…

Le jeu de mot était facile. Mais c’est pourtant une réalité bien plus qu’une tournure de phrase !

En réalité le marché de la tablette se trouve coincé entre ces deux syndromes : celui de la porte de parking et celui de la poche de veste. Les tablettes ne peuvent se réduire à la taille d’un Smartphone ce qui serait un moyen d’échapper à ce couloir, et de par leur réactivité à l’allumage moindre qu’un Smartphone toujours en fonctionnement les applications qu’elles proposent doivent franchir le seuil du syndrome de la porte de parking.

Cela laisse beaucoup de place aux tablettes sur un marché vierge mais pourrait vite devenir un couloir trop étroit pour en faire un marché de masse passé l’engouement des geeks de la première heure…

Regardons cette vue d’ensemble :

image

Les deux “syndromes” que j’évoque dans ce billet forment deux barrières très proches sur la longue voie des logiciels et de leurs supports matériels. La tablette peut être très réactive à l’allumage elle se place malgré tout à droite du syndrome de la porte de parking, ce n’est pas aussi rapide et pratique à utiliser qu’un Smartphone déjà allumé qu’on a sur soi.

Une toute petite portion (hachurée) se trouve entre les deux syndromes. Il s’agirait de tablettes pouvant être aussi réactives qu’un Smartphone, aussi disponibles et rapide à utiliser, mais dont la taille resterait celle d’une tablette. Je ne suis pas certain que même Surface puisse se faufiler dans ce “conduit” (ce n’est même plus un couloir !) malgré sa rapidité de boot.

D’un côté le “Boulevard du PC”. C’est une évidence, il y a des centaines de millions de PC dans le monde, ils sont équipés de grands écrans confortables, de grands claviers permettant une frappe longue, d’une puissance raisonnable et sont installés un peu partout. Ils sont certes placés du “mauvais côté” de la frontière du syndrome de la porte de parking, mais les logiciels proposés sur PC sont en majorité des outils qui justifient d’avoir à ouvrir cette fichue porte… Word et Excel en sont d’excellents exemples. Leur puissance, la nécessité d’avoir un affichage assez grand et le service rendu d’une haute valeur ajoutée justifient largement de franchir la porte du parking… J’évoquerai aussi PhotoShop, Illustrator dont le nombre de palettes réclament plusieurs écrans pour avoir assez de place pour le dessin qu’on créée. Que dire de Cubase ou Live en musique et de milles autres types de logiciels qui tous justifient de franchir la porte du parking car le service rendu le justifie.

De l’autre côté se trouve la “Route du Smartphone”. Une route et non un boulevard car les restrictions sont malgré tout importantes : puissance, taille de l’écran, absence de clavier physique, nécessité d’une certaine autonomie, etc… Mais cette route est longue et assez large pour drainer des milliers d’applications qui ne passeraient pas la porte de parking ni même la limite de la poche de la veste. Prenez par exemple dans les Top 100 des différents market places : gérer sa pillule, c’est génial, ça colle parfaitement aux contraintes du Smartphone. Jamais une femme n’ira allumer un PC ou une tablette pour gérer ça, en revanche son Smartphone c’est comme sa trousse de maquillage qui est dans son sac à main : toujours là, toujours prête. Pensez aux applications de localisation (où ai-je garé ma voiture ? repérer les coins où j’ai trouvé des champignons, mesurer une hauteur ou une distance, …) et aux petits jeux qui distraient dans le métro, le bus, dans la salle d’attente. Pensez aux applications de type mp3 player, et même aux fonctions d’appareil photo et caméra vidéo. Tout cela colle parfaitement avec le monde des Smartphones car pour leur grande majorité toutes ces applications se trouvent du bon côté des deux syndromes, donc à leur place sur la bonne machine.

Au milieu… non il ne coule pas une rivière. C’est ou couloir, étroit. Borné par les deux syndromes d’un côté et par le monde du PC de l’autre, frontières derrière lesquelles s’arcboutent avec force les PC et les Smartphones qui campent sur leurs positions en essayant de ne rien lâcher !

La cible spécifique des tablettes

Ce couloir n’est pas extensible. Il limite de fait et pour toujours la place réservée aux tablettes. Cela implique que les applications qui seront conçues pour tablettes et qui en feront le succès seront toutes des applications qui respectent le couloir de la tablette.

Nous sommes sur un marché naissant et je ne vais pas vous livrer comme ça les exemples que je pourrais éventuellement développer demain… Mais regardez bien tous les logiciels qui sont aujourd’hui présents sur le marché des unités mobiles et demandez-vous lesquelles passent la porte du parking…

Pourquoi Surface pourrait bouger les lignes

Quand je dis que ce couloir à tablettes est là pour toujours c’est certainement vrai. Mais avec de bons coups de buttoir il est peut-être possible de l’élargir un peu.

C’est à mon sens ce que fait Surface tout en respectant les limites du syndrome de la porte de parking…

D’abord surface c’est son clavier magnétique. Une astuce unique qui permet de sortir une tablette vendue comme telle alors qu’en réalité cela devient un hybride… donc un pc portable. Du coup, la … Surface du couloir s’étend en grignotant un peu sur le boulevard du PC. C’est ce que mon petit dessin (plus haut) montre.

Mais en même temps, Microsoft dans sa grande sagesse, et même sur les modèles RT, intègre de base Office. C’est pile le premier exemple de logiciels que je citais plus haut qui justifient d’avoir à ouvrir la porte du parking…

Grâce à cette approche Surface se démarque de toutes les autres tablettes en jouant subtilement sans grand changement apparent avec les limites du syndrome de la porte de parking !

Comment en tirer partie ?

Maintenant que je vous ai expliqué la nature du couloir des tablettes il ne vous reste plus qu’à trouver des idées de logiciels qui respectent cet espace étroit et bien délimité mais assez grand pour s’y faire un nom et remplir son compte en banque !

Les applis de dessin avec stylet sont un parfait exemple d’adéquation avec les limites du couloir. Elles justifient d’ouvrir la porte du parking à la fois parce qu’elles utilisent un écran mieux adapté au dessin que celui d’un Smartphone (syndrome de la poche de veste) et qu’elles offrent un service qui justifient d’ouvrir la porte du parking.

Il y a quelques bonnes idées qui existent déjà mais je suis convaincu que malgré les centaines de milliers d’applis des market places Google ou Apple, il n’y a que peu de logiciels qui correspondent à la cible. D’ailleurs peu de développeurs / éditeurs gagnent réellement de l’argent au point d’en vivre et encore moins on fait fortune au point qu’on connaisse leurs noms. C’est une indication assez forte de la difficulté de respecter le couloir de la tablette tout autant que la route du Smartphone !

Conclusion

Sous Windows 8 et Windows Store tout reste à faire.

Ne perdez pas votre temps à publier des applis qui ne respectent pas le couloir de la tablette. De bonnes applications peuvent faire le succès d’une architecture, d’un OS, d’une machine, bien plus que dix milles productions bas de gamme ou mal adaptées à la cible.

la créativité, par définition, n’a pas de limites. Mais les tablettes en ont deux : par force elle ne peuvent franchir le syndrome de la poste de veste, et elles doivent offrir des services dont la valeur ajoutée leur permet de passer le Syndrome de la Porte de Parking.

N’oubliez ni l’un ni l’autre avant de vous lancer dans la conception et l’édition d’une application pour le Windows Store !

Stay Tuned !

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